Après avoir quitté la maison au beau milieu de la nuit, Trisha s'était tout simplement dirigée vers le front de mer. Là, elle s'était adonnée à sa passion première: la pêche.
Trisha: (Aaah...enfin le week-end...pas de cris, pas de courses...que du calme et du repos...)

Elle se hâta tout de même de regagner la maison avant que Chester ne se réveille, ne voulant pas l'inquiéter. Le jeune homme était imprévisible et elle n'avait aucune stricte idée de ce qu'il aurait pu s'imaginer en constatant sa disparition.

Mais manque de chance. Chest était bel et bien déjà debout. Depuis combien de temps? Difficile à dire. Toujours est-il qu'il était assis dans le salon à l'attendre et qu'il l'interpella.
Chester: Salut. T'étais où?
Trisha: Partie pêcher de bonne heure.

Chester: T'es sûre?
Trisha: Non mais c'est quoi cet interrogatoire? Tu ne me crois pas, en plus?
Il ne répondit pas et un silence pesant s'installa. Désireux d'apaiser la situation, il proposa à Trisha de l'accompagner en ville dans l'après-midi. Il y avait un rendez-vous professionnel en vue d'une nouvelle série de concerts.

Trisha: (Adieu mon seul et unique jour de repos...)
Elle était encore un peu grognon, irritée et vexée des remarques de Chester quant à son absence. Voilà des années qu'elle n'avait plus eu à se justifier de quoique ce soit auprès de qui que ce soit. Trish fit ainsi la tête une bonne partie du trajet.

Chester: Nom nom, et donc, ce serait pour quand exactement?
La propriétaire, consultant son agenda: Ce soir-même.
Chester manqua de s'étouffer et regarda son interlocutrice, incrédule. Ce n'était clairement pas prévu et il savait déjà que Trisha râlerait.

Cette dernière n'ayant pas été conviée à s'asseoir en leur compagnie, était d'ores et déjà bien agacée. Elle s'était donc installée seule, près de la fenêtre, et tentait de savourer son latte caramel. Mais la jeune fille était bien trop énervée.
Trisha: (Il se fiche carrément de ma tronche...il me laisse en plan, comme ça...)

Et la colère de Trisha éclata lorsque l'entretien fut terminé et que Chester vint lui apprendre son concert de dernière minute, le soir-même.
Trisha, haussant le ton: C'est une BLAGUE?! C'est mon unique jour de congé, l'un des seuls moments où l'ont peut être ENSEMBLE et toi, non seulement tu me traînes en ville pour me laisser en plan, et après tu m'annonces que ce soir, tu ne sais pas à quelle heure tu rentres?

Chester: (Holala...elle est vraiment en pétard cette fois...)
Il tenta de calmer le jeu en prenant les mains de Trisha mais cette dernière ne le laissa pas faire, continuant à vider son sac.
Trisha: Et je ne te parle même pas de tes refléxions DEBILES ce matin, quand je suis rentrée! Bonjour la confiance! Est-ce que je t'en pose des questions moi, quand tu pars je-ne-sais-où en prétextant des concerts ou des auditions?! Qu'est-ce qui me prouve que tu fais bien ce que tu dis?

Cette dernière pique fut celle de trop pour Chester qui s'énerva à son tour.
Chester: Ce qui te prouve que je bosse réellement?! NOTRE MAISON! Tu penses vraiment qu'on aurait pu se sortir de la rue si je ne m'étais pas donné à fond ces derniers mois? Tu crois que je cours les castings et que je ne refuse aucun contrat par simple plaisir d'être sur les rotules?

Chester: Je le fais pour NOUS. Pour TOI, pour MOI. Alors, oui, on a notre maison. Maintenant, nous devons l'entrenir. Et je ne te parle pas des charges à payer. Alors MERCI, Trisha, de t'être mise à ton compte comme nounou. Maintenant au moins, je n'ai plus l'impression d'être le seul à m'être sorti les doigts. Salut.
Trisha, tentant de le retenir: Chest...

Chester tourna les talons et s'éloigna, furieux. Il était conscient d'avoir blessé Trish de par ses paroles, et ces dernières s'étaient révélées plus blessantes que ce qu'il voulait. Mais le jeune homme était encore bien trop énervé pour déjà s'excuser. Il alla tuer le temps dans un bar en attendant l'heure de sa représentation. Bouleversé.

Quelques semaines plus tard, l'automne s'était bel et bien installé. Il faisait à peine jour lorsque les parents venaient déposer leurs chers bambins chez Chester et Trisha. Et chose flagrante: il y en avait de plus en plus. Le bouche-à-oreille marchait fort bien et beaucoup de gens sollicitaient Trish.

Elle avait même du refuser par deux fois certaines propositions alléchantes au niveau salaire car elle ne souhaitait pas faire faux-bond aux parents avec lesquels elle travaillait déjà. Espéranza et Basile étaient toujours là quotidiennement, de même qu'une petite dernière, Jeno. Jeno étant la soeur cadette d'Espéranza.

Trisha: Le nez...le nez!
Espéranza dans les bras, Trisha s'amusait à toucher chaque endroit de son visage en les nommant. Par terre, Jeno les imitait plus ou moins, préférant s'enfoncer l'index dans les trous de nez au lieu de s'en tapoter la pointe.

Lorsqu'une envie pressante la força à gagner les toilettes, la nounou demanda à Chester de bien vouloir garder un oeil sur les petites à l'extérieur. Ce dernier, plutôt mal à l'aise entouré d'enfants, surtout en bas-âge, resta droit comme un "i" en attendant que Trisha ne revienne. 

Mais quand cette dernière retourna dans le jardin, elle eut l'agréable surprise de trouver Espéranza dans les bras de Chester. Celui-ci était entrain de jouer avec la fillette sans avoir encore remarqué le retour de Trish.
Chester, jouant: C'est la main qui descend...qui descend...qui desc-...ah, heu. Hum.
Trisha, sarcastique: Oh, continue. Ca m'embêterait de t'interrompre.

Une fois la journée terminée, Chester proposa de commander une pizza. Cette dernière venait tout juste d'être livrée et le jeune homme s'était empressé d'en découper une part lorsque le téléphone de Trisha se mit à sonner.
Trisha, sourcils froncés: Allô? Allô?
Elle raccrocha et secoua la tête, agacée, expliqnant à Chest que depuis quelques jours, un petit plaisantin s'amusait à lui téléphoner sans pour autant lui parler.

Chester: Bah si tu veux, j'ai des contacts dans l'informatique. Je suis sûr qu'ils peuvent retrouver la trace de ton petit farceur et une fois que j'ai son adresse, hop, je vais lui casser la figure.
Ils avaient fini de manger et, installés dans leur canapé, discutaient de cette personne qui importunait la jeune femme.

Trisha: Ou alors, on peut simplement demander une facture détaillée à mon opérateur et ensuite aller porter plainte pour harcèlement...
Chester, vaguement déçu: Ouais...aussi.
Trisha: Désolée de mettre un frein à tes pulsions masculines!

Chester passa son bras autour des épaules de Trisha et celle-ci appuya sa tête contre la joue du chanteur. Ils avaient peu l'occasion de passer du temps à deux comme ça, entre le travail épuisant de Trish et les concerts régulièrement tardifs du jeune homme.
Chester, taquin: Je vais t'en montrer moi, des pulsions masculines!

Profondément endormi, Chester ne remarqua pas que Trisha s'était levée en pleine nuit. Il ne l'entendit pas s'habiller et ne se réveilla pas même lorsque la porte claqua un peu à la sortie de la jeune femme. Mais où filait-elle donc comme ça?

Trisha fut désagréablement surprise au réveil. Elle contemplait les dégats que la fuite d'eau avait causé dans la cuisine alors que les enfants n'allaient pas tarder à arriver.
Trisha: (Je croyais que Chest s'en était occuoé...)

 Elle colmata la fuite avec du papier adhésif en attendant mieux et entrepris d'éponger toutes les flaques d'eau par terre. Cet imprévu l'avait empêché de prendre un petit-déjeuner et la jeune fille entendait régulièrement son estomac la rappeler à l'ordre.

Ding dong...Et sa journée commença. 

 Espéranza aimait beaucoup Chester et ne ratait jamais une occasion de rester près de lui. Elle aimait par-dessus tout regarder la télé. Toutes ces images et ces sons étaient vraiment très rigolos! 

Télé: "Non, John...C'est terminé. Nous n'appartenons pas au même monde..."

 Petite nouveauté aujourd'hui: un deuxième bambin. C'était une petite blondinette étrangement nommée Basile et dont les parents avaient entendu du bien de Trisha de la part des Robiquet. Plus de travail et d'épuisement en perspective pour la nounou en devenir mais aussi, un salaire plus conséquent.

 Trisha, fatiguée et sur les nerfs: Dis donc, tu pourrais t'activer un peu à la maison non? Il y a des choses à faire et toi, tu restes dans ton canapé! Zou, donne-moi un coup de main! 

Chester: Pff...ok ok...

Trisha récupéra Espéranza et lui fit faire l'avion tandis que Chester reposait paresseusement son derrière dans le moelleux du canapé. Mais face au regard noir que lui jeta sa copine, il décida d'enclencher la première et de commencer un peu de ménage.

 Chester, à voix basse: Pfff...faut mettre combien de lessive? Y a rien marqué sur la boîte...ah si...pfff je comprends rien. Aller, ça devrait le faire.

Il versa directement la lessive dans le tambour de la machine et dosa au petit bonheur la chance. Il espérant seulement que la mousse ne déborderait pas ou quelque chose dans ce genre là, pour qu'il n'ait pas à subir les foudres de Trish.

 Cette dernière était entrain de s'amuser dans le jardinet avec Basile et Espéranza. La première riait aux éclats sur le cheval mécanique tandis que la seconde exercait sa logique et sa motricité à l'aide d'un jeu de formes.

Une fois que la machine eut fini de tourner, Chester s'empressa d'étendre la lessive trempée à l'extérieur. Trisha avait installé une corde à linge dans la cour arrière et y faisait ainsi sécher leurs vêtements et autres draps.
Chester, s'étirant: Eeeeeet voilà. Fini.

La nuit commençait à tomber et personne n'était encore venu chercher Basile. Mais pas question de paniquer. Elle se mit à préparer le dîner sans pour autant se lancer dans une confection culinaire top avancée: des pâtes au gruyère et des knaki feraient très bien l'affaire pour ce soir. Elle rajouta un bouillon de poulet dans l'eau qui ne tarda pas à bouillir et en huma le fumet.

 La journée de Trish se termina plus tard que d'habitude car la mère de Basile avait eu un empêchement de dernière minute. Elle avait cependant apporté une boîte de pâtisseries à la nounou pour se faire pardonner et fit profil bas en emmenant rapidement sa progéniture. 

 Et la soirée suivit tranquillement son cours à l'intérieur. Les deux amoureux ne se chamaillèrent pas et Trish remercia même Chester de l'effort qu'il avait fait aujourd'hui en s'occupant si bien du linge.

Vous avez pu apercevoir le salon et ce dernier a bien changé, n'est-ce pas? Je m'en suis occupée juste après avoir retapé la chambre. Voilà une photo:

Une semaine plus tard, voici que le grand jour était arrivé. C'était la première matinée de Trisha en tant que nounou et ce qu'on peut dire, c'est qu'elle était un peu stressée.

Trisha: (Alors...heu...je faisais quoi moi déjà? Ah...oui, manger..alors...)

Chest, lui, était plutôt décontracté. Comme d'habitude, en fait. Il venait de finir de prendre son petit-déjeuner et s'apprêtait à laver son assiette. Le jeune homme espérait avoir le temps de se doucher afin d'être à peu près présentable lorsque Mr Robiquet viendrait déposer sa fille.

Ding dong. Quelqu'un sonna à la porte et, sans attendre qu'on l'invite à entrer, s'engouffra dans la maison. C'était la petite Espéranza accompagnée de son papa. Et oh, surprise, il s'agissait de l'homme à qui Chester avait vendu son album, la semaine précédente (et qui par conséquent, est censé être mort).

 Une fois Mr Robiquet parti, Trisha commença à faire la connaissance d'Espéranza. La petite était plutôt bruyante et dynamique. C'est très simple, elle ne s'arrêtait jamais de sauter, de courir et piailler.  Pour la canaliser, la nounou en herbe décida de la mettre sur l'un des chevaux mécaniques qui trônaient daus le jardinet.

 Trisha: Aller! Essaye d'aller plus vite! Il faut dire "hu, cheval!"

Espéranza, battant vigoureusement des pieds: HU! HU DADA!

 Un peu plus tard dans la journée, après la sieste et le goûter, Trisha emmena de nouveau la petite dans le jardinet. Elles s'y assirent et, face à face, commencèrent à papoter autant que le permettait le langage limité d'Espéranza.

Trisha: Moi c'est Trisha. Tri-sha. Mais tu peux dire "Titi" si tu veux. C'est plus simple.

Espéranza: MOTO.

Trisha, dans un soupir: Heu...non. C'est pas ça.

 La journée de Trisha s'acheva lorsque Mr Robiquet vint récupérer sa fille. Le soleil commençait d'ailleurs à décliner, de même que l'énergie de la jeune femme. 

Mr Robiquet, avec un sourire: Ah la-la. C'est dur, hein? Un petit conseil, n'en faites pas!
Trisha: J'en prends note...merci Mr Robiquet...à demain...

 Pour enfoncer le clou, le fléxible du robinet de la cuisine décida de lacher. C'est tout naturellement Chester qui s'y colla, plissant les yeux afin d'éviter de trop recevoir d'eau dedans. 

Chester, pestant: Plomberie aussi vieille que mon arrière-grande-tante...gnagnagna...camelote...gnagna...

 Après une bonne heure de lutte acharnée contre le robinet récalcitrant, Chester rejoignit Trish au lit. Cette dernière était épuisée et les légers ronflements qui soulevaient régulièrement la couette ne faisaient que le prouver. Elle ignorait alors qu'elle aurait une mauvaise surprise au réveil...

de découvrir que Chester était définitivement un gros nul en bricolage.

Il était 10h tout rond lorsque Trisha quitta la maison pour aller démarcher des employeurs potentiels en centre-ville. Elle avait fait imprimer une trentaine de tracts qu'elle comptait bien distribuer à toutes les femmes qu'elle croiserait sur sa route, leur proposant ses services en tant que nounou. 

L'une de ces femmes s'arrêta pour converser et semblait plutôt intéressé par les tarifs de la jeune fille. 

Femme: Et vous avez déjà une expérience en tant que nounou? Je veux dire...vous saurez gérer les doses de lait, les couches, les bobos? 

Trisha, sans se démonter: Vous savez, j'ai quatre plus jeunes frères dont le plus petit vient d'avoir trois ans...c'est moi qui m'en occupais quand notre mère allait travailler. Faites-moi confiance, je m'en sortirai très bien. Et puis...je suis beaucoup moins chères que les autres nounous du voisinage!

L'argument fit mouche auprès de la femme qui d'ailleurs, se présenta comme Mme Robiquet. Les deux femmes se serrèrent la main et rendez-vous fut pris pour la semaine d'après.
Mme Robiquet: C'est mon mari qui viendra vous déposer Espéranza.
Trisha: Pas de problème.

 Pendant ce temps, Chester traînait au parc où il allait à la rencontre des gens pour faire la promotion de son premier album. Il aborda un homme et tenta de lui vendre son disque.

Chester: Et la dernière chanson, c'est une balade romantique. Tout à fait du style à faire écouter à votre dame pendant un bon dîner. Et c'est moi qui l'ai écrite.

 L'homme s'étant laissé convaincre, Chester fut plus riche de 15$. 

Chester: (Je suis pas si dégueu que ça comme vendeur...)
L'automne s'était paresseusement installé et aujourd'hui était indiqué comme étant le dernier jour de fortes chaleurs de l'année. Il convia donc Trisha à le rejoindre pour en profiter.

Les deux amoureux dépensèrent un peu d'argent pour s'offrir un premier cours débutant de planche à voile. Chest n'était pas très à l'aise et s'accrochait fermement aux barres qui cerclaient la voile, priant pour que le tour se finisse vite.

Trisha, elle, s'en donnait à coeur joie. Elle aimait les sports extrême et bien qu'elle soit totalement débutante, le moniteur fit l'éloge de ses postures et de son assurance sur la planche. 

Une fois séchés et rhabillés, les deux amoureux allèrent passer du temps au grand parc où se déroulait le festival d'automne. Ils participèrent ainsi à un concours de manger de tarte. Le but était, sans se servir de ses mains, de dévorer sa tarte à tout vitesse en y plongeant la tête la première.

Chester, manquant de s'étrangler: Eurf...

Trisha, levant l'index: Wooo! J'ai gagné!

En effet, elle avait vidé toute la barquette qui contenait la tarte. Preuve en était sur son beau minois, tout tâché de rouge.

 Malheureusement, la jeune fille n'eut pas le temps de savourer cette victoire amplement méritée. Elle fut prise d'une nausée aussi violente que soudaine et fonça dans les toilettes publiques pour y vomir. L'acidité de la tarte ne lui réusissait visiblement pas, surtout en de telles quantités.

 Toujours un peu patraque, Trisha, une fois rentrée, passa le reste de la soirée dans la chambre. Elle dévorait un livre d'aventure tout en se reposant sous les conseils inquiets mais néanmoins avisés de Chester. 

 Comme prévu, la chambre avait été la première pièce à être entièrement refaite. Nouvelle moquette et nouveau papier-peint donnaient à l'endroit une atmosphère sereine. Tout un ensemble de meuble avait été acheté et quelques photos d'eux trônaient aux murs.

 Après une bonne douche, Chest vint la rejoindre.

Chester: T'es sûre que ça va mieux?

Trisha, se voulant rassurante: Mais oui. Je n'ai plus envie de vomir. Je crois que mon estomac n'a pas assumé la tarte aux myrtilles...

Chester, à son oreille: Et te sens-tu prête à assumer ce qui va suivre?

L'amour qu'ils se portaient se concrétisa une fois de plus cette nuit-là. Ils s'étreignirent tendrement en étant chacun à l'écoute des désirs de l'autre. Leurs soupirs se répondaient dans un écho délicieux et ils firent tout deux le voeu que le temps s'arrête.

Toutefois, Trisha demeurait soucieuse. Voilà plusieurs jours qu'elle se sentait mal et bien que son instinct féminin aiguille ses soupçons vers un seul et unique état de fait, la jeune femme se refusait à l'admettre. C'était bien trop tôt. 

Alors, heu...la technique de vente de Chester est plutôt...comment dire? Mortelle! 

Le pauvre missié est décédé juste après la transaction. J'espère au moins que ce n'est pas le CD qui est maudit sinon notre Chest national ne tardera pas à passer l'arme à gauche aussi !  

Le quotidien s'était petit à petit installé pour Chester et Trisha. La vie dans cette maison leur semblait douce et sereine, bien loin des tracas qu'ils avaient l'habitude d'endurer dans la rue. Chester prenait plaisir à s'activer dans la cuisine lorsqu'il en avait suffisamment le temps: en effet, sa carrière commençait à décoller.

De son côté, Trisha prenait grand soin de son nouvel intérieur. Elle avait à coeur de maintenir cette maison en ordre mais cela ne l'occupait que quelques heures. La jeune femme commençait un peu à s'ennuyer et l'idée de se mettre à travailler sérieusement commençat à la chatouiller.

Elle n'avait malheureusement aucun diplôme ni aucune expérience professionnelle. Du haut de ses vingt-quatre ans, Trish partait affronter la vie sans bagages. Mais elle avait une volonté farouche et son passé familial difficile lui conféra cependant un savoir: s'occuper de jeunes enfants. 

Trisha, songeuse: (Oui...pourquoi ne pas tenter? Je n'ai rien à perdre à essayer...)

Dans le couloir, elle tomba sur un Chester tout propre et tout pimpant, prêt à assurer une énième représentation. Elle avait cessé d'assister à tous les concerts depuis leur emménagement car le trajet était bien trop long depuis leur nouvelle maison. De plus, tous les shows se suivaient et se ressemblaient.
Chester: Je sais pas quand je finirai ce soir. Tu me mets un petit truc à manger de côté?

Trisha: Oui. Dis, Chest, je voulais te parler de quelque chose...
Chester, vivement: Ah oui? Pas maintenant, je dois y aller. Mais après? Ou demain? C'est urgent?

La jeune fille soupira et secoua la tête, offrant un sourire rassurant à Chester. Elle découvrait depuis peu les mauvais côtés de son ami: sa difficulté à communiquer et sa manie de tout remettre à plus tard.

Chester ressentit la pointe de déception chez Trisha et il posa ses mains sur ses épaules, protecteur.
Chester: Désolée Trishette, je dois filer. Mais on en parle dès que je rentre, promis.

Trisha: Aller, va.
Chester: T'es la meilleure!
Il déposa un baiser sur la joue tendre de sa copine et s'empressa de ramasser ses clés et son téléphone et de se mettre en chemin pour son concert.

Il assura le show ce soir-là, étant particulièrement en forme et désireux de faire bonne impression. C'était la première fois qu'il se produisait dans cette salle de concert et il espérait que ce ne serait pas la dernière car le paiement était très intéressant.
Lorsqu'il rentra à la maison, Trisha l'attendait sur le canapé. Il lui proposa de s'asseoir dehors, au grand air.

La jeune fille profita de cette apparté romantique pour retenter de lancer la discussion sur son avenir professionnel.
Trisha: Tout à l'heure je voulais te dire...enfin. Tu serais d'accord pour que la maison soit ponctuellement envahie de petits lutins qui crient et sautent partout?
Chester, écarquillant les yeux: Tu...t'es enceinte?

Trisha éclata de rire.
Trisha: Mais non! Je pensais faire du baby-sitting à domicile...ça mettrait du beurre dans les épinards et ça m'occuperait. T'en penses quoi?
Chester, tentant de cacher son soulagement: Ben...oui, c'est une bonne idée. Mais laisse-moi débarasser le jardinet, déjà.

Ils passèrent une bonne heure dehors, à contempler le ciel et les nombreuses étoiles qui le constellaient.  Blottis l'un contre l'autre, ils discutèrent de choses et d'autres jusqu'à ce qu'un petit vent frais les poussent à rentrer. L'automne n'était plus très loin.

Et comme toutes les nuits depuis leur emménagement, Trisha s'endormit entre les bras protecteurs du chanteur dont les mains couvaient alors sans le savoir, un petit ventre bel et bien déjà habité.

La journée s'annonçait maussade. Une variation de gris striait le ciel et d'épais nuages s'étaient installés au-dessus de la ville. Le lieu où Chester et Trisha devaient se rendre était situé en périphérie du centre-ville, de l'autre côté du grand pont. C'était un endroit plutôt calme et excentré que la jeune fille apprécierait sans doute pour sa proximité avec la mer.  

Le taxi s'arrêta enfin devant une  maison, face à la plage. Il s'agissait de la troisième habitation d'un petit lotissement et le tout avait clairement besoin d'être rafraîchi. Laissées à l'abandon depuis le décès du propriétaire, ces maisons avaient pâti du manque d'intérêt des héritiers à leur égard. Cela avait cependant un avantage: un prix nettement en-deçà du marché.  

Trisha: Où est-ce qu'on est, Chest? 

La jeune fille l'avait deviné mais une partie d'elle-même se refusait à y croire. Comme si ce genre de bonheur était réservé aux autres. Chester lui prit les mains.

Chester: Chez nous  

Chester: Plus jamais tu ne dormiras dehors, Trish. Ni moi. C'est derrière nous tout ça. On s'en est sortis. 

C'est justement à proximité de cette cour que la jeune fille se jeta dans les bras de Chester.

Les jours et les semaines passèrent. Grace à l'argent que rapportaient les représentations de Chester, les deux amoureux purent se payer régulièrement le luxe d'une chambre d'hôtel. La jeune fille quant-à-elle, revendait ses prises au marché local. 

Ce qui était à la base une simple curiosité s'était mue en occupation puis en passion. La jeune fille adorait aller pêcher au petit matin, lorsque le soleil commençait tout juste à pointer le bout de son nez. Elle avait alors une paix absolue et pour elle qui ne se sentait à l'aise que dans sa bulle, c'était le paradis. 

La jeune fille pêcha ainsi quelques heures et apaisa la faim qui faisait gronder son ventre à l'aide d'une barre chocolatée qui traînait dans sa poche.  Elle alla ensuite au marché pour négocier le prix de ses prises -de beaux morceaux!- et fit un tour par la bibliothèque.  

Une fois son casse-croûte englouti, la jeune fille se dirigea vers les toilettes. Elle qui n'avait pas eu l'occasion de se voir dans un miroir depuis très longtemps décida de se cacher les yeux afin que l'effet de suprise soit total.

Trisha: Bon...ça aurait pu être pire. 

Si ses yeux étaient cernés, son teint restait plutôt frais. Ses yeux bruns en amande lui conféraient un air mutin et son allure débraillée ne faisait que renforcer cette impression. Elle espérait néanmoins avoir bientôt les moyens de s'offrir de nouveaux vêtements ainsi qu'un petit tour chez le coiffeur. 

 La journée passa sans autre événement notable et bientôt tomba le soir. Trisha avait à cœur d'assister à tous les concerts de Chester et pour le coup, elle était en retard. Elle traversa donc la moitié de la ville en courant et atteignit in-extremis le bar où se représentait son ami. 

 Ce dernier fit un super numéro et enflamma la salle. Peu de gens connaissaient Chester mais tous échangèrent des regards enthousiastes en promettant de suivre de près ce jeune artiste en herbe.  

 Trisha: Wouuuh!

Elle criait en sautillant sur place. Ah ça, pour mettre de l'ambiance quelque part, elle était fortiche! Mais ce soir-là, son allure débraillée attira moins l'attention que le talent -enfin reconnu- de Chester. 

Il était presque minuit lorsque le show se termina. S'étant levée particulièrement tôt, Trisha fut soulagée de regagner l'extérieur et inspirer de grandes goulées d'air. Sa fatigue était telle que sa tête lui faisait mal et le volume sonore du concert n'avait rien arrangé. 

 Chester la rejoignit quelques minutes après. Il avait fait le point avec la propriétaire des lieux et reçu son paiement. Il enlaça aussitôt son amie. 

Chester, faisant mine de la bercer: T'as l'air claquette, Trishette.

Trisha, éteinte: Ouais... 

Chester:  On va y aller alors mais ne t'attends pas à faire une grasse mat'.

Trisha: Comment ça?

Chester:  On doit se lever tôt demain.

Trisha, intriguée: Qu'est-ce que tu mijotes encore? 

Chester, avec un sourire malicieux: Tu verras. 

Au petit matin, Trisha ne trouva pas Chester à ses côtés. Il lui avait cependant laissé un mot de la façon la plus originale qui soit: dans le sable. Il était apparemment parti retenter sa chance auprès de la propriétaire du parc, afin de la convaincre de ne serait-ce que prendre le temps de l'écouter. 

La jeune fille utilisa ce temps libre pour s'entraîner aux échecs. Encore une fois, tout ce qu'elle savait sur ce jeu se limitait à ce qu'elle avait pu en lire.  

Puis, quand le soleil fut bien en place dans le ciel, elle retourna pêcher. 

Comme prévu, Chester trouva la propriétaire du parc en pleine lecture, face à la scène. Il sortit le micro abîmé qu'il avait désormais toujours sur lui, et entreprit de chanter face à elle jusqu'à ce qu'elle daigne le regarder. Il chanta et chanta et chanta... 

...et chanta encore, quelques jours plus tard. Le vent s'était enfin décidé à tourner et sa persévérance avait porté ses fruits. C'était une sorte d'essai en vue d'une éventuelle carrière et Chest se donna à fond. Aucun stress ne lui nouait l'estomac, au contraire. Il était plutôt à l'aise face à ce vaste public... 

Ce jour-là fut une sorte de tournant dans la vie de Chester. Le matin-même, il avait récupéré un vieux micro à l'entrepôt et s'était mis en tête de gagner quelques simflouz en chantant au beau milieu de la rue. Il choisit un endroit plutôt fréquenté, à proximité de la bibliothèque.

Les gens passaient, lui accordaient parfois un regard mais ni temps, ni argent. Sauf elle. 

Elle, c'était Trisha. Une jeune marginale d'une vingtaine d'années qui, comme lui, sillonnait la ville à la recherche d'opportunités à saisir sans pour autant parvenir à s'en sortir. Ils s'étaient parfois croisés à la soupe populaire du comté mais sans jamais s'adresser la parole. 

Toujours est-il que Trisha avait, comme lui, l'habitude de fréquenter la bibliothèque pour pouvoir souffler quelques moments. Elle tournait plutôt au rayon des encyclopédies et des guides de pêche illustrés. On la voyait alors se plonger avec passion dans ces ouvrages et suivre du doigt les contours des énormes poissons dessinés à l'intérieur. 

 Et il lui arrivait bien souvent de dépenser le peu de simflouz qu'elle réussissait à amasser, dans les délicieuses pâtisseries que vendait Ian. Ces produits étant pourtant bien trop chers pour ce qu'ils étaient réellement, la jeune fille devait être plutôt gourmande pour y dépenser son argent.  

Bref. Toujours est-il qu'elle fut celle qui s'arrêta la première. Et de par l'aura qu'elle semblait dégager, d'autres personnes finirent par approcher et prendre le temps d'écouter Chester. Il se donna à fond, tentant de capter les regards des gens et de les toucher en plein cœur avec les mots de sa chanson.

Chester: ♫ Every step that I take is another mistake to you
(Chaque pas que je fais est une autre erreur à vos yeux)
Caught in the undertow just caught in the undertow
(Coincé dans le ressac, juste coincé dans le ressac)
And every second I waste is more than I can take
(Et chaque seconde que je gaspille est plus que je ne peux supporter) ♫

Trisha, venant l'aborder: Salut!  Tu te débrouilles plutôt bien. On s'est déjà croisés non?

Chester, un peu intimidé: O-ouais. Moi c'est Chester. C'est cool de m'avoir écouté, merci. 

Un silence lourd de gêne s'installa entre les deux jeunes gens. Après tout, que dire à quelqu'un dont la vie paraissait être aussi dénuée d'intérêt que la sienne? Compatir? Encourager? Non. La plupart des personnes dans la difficultés n'aimaient guère ces démonstrations, bienveillantes d'apparences, mais qui tendaient plus à pencher vers la pitié. 

Trisha, au bout d'un moment: ...ça te dit de marcher jusqu'à la mer? 

Trisha: ...et c'est là que je suis partie. Ma mère s'en sortait plus avec tous mes frères et avait tendance à se décharger sur moi. C'était plus vivable.

Chester: Ouais, je comprends. Alors que maintenant, la seule dont tu dois t'occuper c'est toi, 

Ils s'étaient installés sur ces chaises longues qui n'étaient jamais rentrées pour la nuit et avaient commencé à discuter de tout et de rien avant d'en venir à leurs parcours respectifs. 

Lorsqu'ils eurent épuisé une bonne partie des sujets de conversation qui leur venaient à l'esprit, ils s'enveloppèrent dans un nouveau silence. Mais dénué de gêne, cette fois. Plutôt le silence de deux personnes bien ensemble qui n'avaient pas besoin de trop en dire. Chester ne tarda pas à s'endormir, d'ailleurs, bercé par le va-et-vient des vagues. Mais sa nouvelle amie se releva. Après avoir fait le tour de la maison de plage elle trouva enfin de quoi tirer profit de toutes ces heures passées à la bibliothèque. 

Elle n'attrapa aucun poisson cette nuit-là. Ils étaient encore bien trop malins pour se laisser avoir par un appât aussi grossier et voyant. Mais pour Trisha, c'était bon. Ce n'est pas comme si elle avait espéré remonter un requin du premier coup. La vie était comme ça. Faite de beaucoup de tâtonnements.